Les savants de la Tariqa Rajabiya

Cheikh Soulaymane

Mouqadam (représentant et garant) de la Tariqa Nasdhbandiya Rajabiya en Europe. Découvrez sa page Facebook ainsi que sa vie dans la section dédiée à l'histoire de la Tariqa.

Cheikh Mohammad Rajab Dib

Le Cheikh Mohammad Rajab est l'actuel et unique héritier de Cheikh Rajab Dib, son père, depuis que ce dernier à rejoint son Seigneur en 2016. Puisse Allah l'avoir en Sa Miséricorde.

Cheikh Rajab Dib

Le Cheikh Rajab Dib, qu'Allah l'ait en Sa Miséricorde, était le principal héritier de son éminence le moufty Cheikh Ahmad Kuftaro. Il rejoignit son Seigneur en 2016.

Cheikh Ahmad Kuftaro

Sheikh Ahmad Kuftârû naquit en 1915 à Damas près du lieu-dit Abû An-Nûr, du nom d’un officier de l’armée du sultan Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî. Son père, le Sheikh Amîn Kuftârû était un savant réputé à Damas. Il s’était marié à l’âge de 16 ans avec une jeune fille kurde de 14 ans issue d’une famille pieuse, avec laquelle il eut tous ses enfants, neuf garçons et trois filles. En 1927, Sheikh Amîn Kuftârû, succéda au Sheikh Amîn Az-Zamalkânî - lui-même successeur du Sheikh `Îsâ Al-Kurdî - à la tête de la confrérie soufie naqshabandie à Damas. Le jeune Ahmad bénéficia ainsi du savoir de son père et fit ses études religieuses auprès des plus grands savants damascènes. Sa prodigieuse mémoire l’aida à mémorisé l’intégralité du Coran à un âge très jeune et à apprendre par cœur quelque dix mille vers de poésie qui résumaient de manière mnémotechnique l’essentiel de ce qu’il fallait savoir sur les différentes branches des sciences islamiques.

Ahmad Kuftârû fut un témoin des grands bouleversements politiques qui affectèrent la Syrie à cette époque : les deux Guerres mondiales, le départ des Turcs de Damas en 1920 et l’arrivée des Français au nom du protectorat, l’insurrection syrienne contre l’occupation française et enfin le départ du dernier soldat français en 1946, onze ans après la mort du muhaddith du Shâm Sheikh Badr Ad-Dîn Al-Hasanî qui fut un des instigateurs de l’insurrection.

En 1935, alors qu’il n’avait que 23 ans, Sheikh Ahmad Kuftârû fut choisi par son père pour lui succéder en tant que guide spirituel de la confrérie naqshadandie. Ce fut chose faite seulement trois ans plus tard, en 1938, date à laquelle Sheikh Amîn Kuftârû décéda. Le jeune Ahmad endossa alors la mission de la prédication, de l’enseignement et de l’éducation, et ce jusqu’à sa mort. Les leçons hebdomadaires qu’il donnait dans sa mosquée étaient suivies par des milliers de Musulmans et de Musulmanes.

Diplômes et prix honorifiques
Sheikh Ahmad Kuftârû était titulaire d’un doctorat de prédication islamique, obtenu en 1968 à l’Université Islamique de Jakarta en Indonésie, d’un doctorat de fondements de la religion et de sciences religieuses, obtenu en 1984 à l’Université `Umar Al-Fârûq au Pakistan, et d’un second doctorat de prédication islamique, obtenu en 1994 à l’Université Islamique de Umm Durmân au Soudan.

En 1968, le Président pakistanais Ayyûb Khân lui remit la Médaille d’or de l’Étoile du Pakistan, et en 1998, le Président égyptien Husnî Mubârak lui remit la Médaille des Sciences et des Arts de première catégorie.

Sheikh Ahmad Kuftârû décoré par le Président pakistanais Ayyûb Khân
Fonctions
En 1946, à l’âge de 31 ans, Sheikh Ahmad Kuftârû devint membre fondateur de la Ligue des Savants Musulmans.

En 1951, il fut désigné Mufti de Damas. Puis quelques années plus tard, en 1964, le Conseil Supérieur de la Fatwâ l’élut Grand Mufti de Syrie. Il était également membre d’un certain nombre d’organisations et d’institutions islamiques.

En 1962, il assista à la Cinquième Session de la Conférence Islamique Mondiale, à Bagdad, avant de mener lui-même en 1970 la délégation syrienne à la réunion plénière de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) tenue en Indonésie.

En 1965, il fut élu au Conseil Central de l’Organisation Islamique Afro-Asiatique, à Bandung en Indonésie.

Il anima de nombreuses conférences en Égypte, en Algérie, en Iran et dans d’autres pays musulmans avec pour objectif de prodiguer aux masses musulmanes un enseignement éclairé et authentique de l’Islam.

Œuvres
Sheikh Ahmad Kuftârû fonda et présida par ailleurs le Complexe Abû An-Nûr, désormais connu sous le nom de Complexe du Sheikh Ahmad Kuftârû. Ce complexe, situé à Damas, assure une scolarité d’enseignement religieux commençant au primaire et s’achevant à la faculté. Le complexe, qui s’est développé progressivement au fil des années, est actuellement composé de plusieurs bâtiments d’enseignement, d’une école coranique, d’une mosquée, d’une bibliothèque centrale, d’une résidence universitaire, d’un restaurant universitaire, de salles informatiques et d’un foyer de traduction de tous les discours, conférences, allocutions et ouvrages de Sheikh Ahmad Kuftârû. L’enseignement primaire et secondaire se déroule à l’Institut Religieux de la Prédication et de l’Éducation. L’enseignement universitaire est réparti sur quatre facultés : la Faculté de Prédication islamique, la Faculté de Fondements de la Religion, la Faculté de Droit musulman et la Faculté de l’Imâm Al-Awzâ`î, du nom d’un savant musulman syrien du IIe siècle de l’Hégire. Ceux qui veulent poursuivre leurs études avec une thèse ou un magistère peuvent s’inscrire au Département d’Études Supérieures. Des cours d’arabe sont également prodigués aux non-arabophones, et un cursus spécifique est prévu pour les personnes ne pouvant se consacrer entièrement à des études religieuses. Des dialogues interreligieux sont régulièrement organisés, ainsi que des stages pour les imams, les prédicateurs et les éducateurs religieux. Le nombre d’élèves des deux sexes étudiant dans ce complexe est de 6000 environ, provenant de plus de 60 nationalités différentes.

Dans un souci de diffuser cet enseignement de par le monde entier, Sheikh Ahmad Kuftârû inaugura en 1993 une antenne du Complexe Abû An-Nûr à Baltimore, dans le Maryland.

Le Sheikh fonda et présida par ailleurs l’Association Al-Ansâr, une association de bienfaisance sise à Damas. Cette association s’occupe des étudiants qui n’ont pas beaucoup de moyens financiers, des orphelins et des pauvres ; 1200 orphelins sont ainsi pris en charge par l’association.

Sheikh Ahmad Kuftârû participa à des centaines de congrès islamiques internationaux, ainsi qu’à des rencontres interreligieuses et à des conférences organisées par l’ONU pour la promotion de la paix internationale et la préservation de l’environnement. Il rencontra plus de 50 chefs d’États à travers le monde, ainsi que de nombreux dignitaires politiques et religieux, toutes tendances confondues. Sa prédication épousait le principe de la médiété et du rejet de l’extrémisme et du fanatisme. Il se conformait ainsi à la parole du Prophète : « A chaque génération, cette religion sera portée par ceux qui lui rendront justice, réfutant les falsifications des extrémistes, les manipulations des charlatans et les interprétations des ignorants ». Le Sheikh travaillait également à la rencontre, à l’union et au rassemblement des Musulmans, ainsi que l’exige le Coran. En 1966, il donna à ce sujet une conférence dans la Mosquée Al-Aqsâ à Jérusalem, quelques mois avant la chute de la Ville sainte entre les mains des forces sionistes. Au cours de ce discours historique retransmis en direct par plusieurs radios arabes, il s’adressa aux chefs d’Etat arabo-musulmans et leur demanda de prendre les devants pour réformer la situation du monde musulman, et ce, en s’engageant dans les voies du progrès technologique et de l’union fraternelle prescrite par la religion. Il les prévint que si rien n’était fait et si la réalité quotidienne des Musulmans demeurait inchangée, la ville de Jérusalem serait bientôt occupée, entre autres territoires islamiques. Ses craintes étaient justifiées comme l’histoire l’a confirmé.

Sheikh Kuftârû à Jérusalem en 1966 en compagnie du Grand Mufti de Jérusalem, le Hâjj Amîn Al-Husaynî
Le Sheikh prônait par ailleurs le dialogue avec les autres religions, et s’évertuait à montrer l’humanisme et la miséricorde de Islam, à travers l’universalité de son message.

C’était avec cet état d’esprit que Sheikh Ahmad Kuftârû s’investit dans la défense des droits humains, estimant que le retour à la pureté originelle de l’Islam passait par la préservation de ces droits.

Implications internationales
Sheikh Ahmad Kuftârû milita pendant plus de vingt-cinq ans pour la liberté de religion sous les régimes communistes athées. Il visita Moscou à de nombreuses reprises afin de convaincre les autorités soviétiques de laisser les croyants pratiquer librement leur religion. Il parvint ainsi à obtenir l’ouverture de plusieurs mosquées dans les républiques soviétiques d’Asie Centrale, de populations majoritairement musulmanes. Il obtint également le financement de l’Institut Islamique Suprême de Tashkent. Après l’implosion de l’URSS et la chute du communisme, le Sheikh poursuivit ses efforts pour redonner vie à l’Islam dans les ex-républiques soviétiques. Il s’engagea à former des imams issus de ces pays afin qu’ils insufflent à nouveau les préceptes musulmans, après des décennies de politique anti-religieuse. En 1993, il étendit ces efforts à la Yougoslavie et présida la délégation syrienne à la Conférence islamique pour la Bosnie, tenue à Istanbul la même année.

Sheikh Ahmad Kuftârû noua par ailleurs des liens avec les différentes confessions à travers le monde. Il appelait au dialogue interreligieux et à la coopération entre adeptes des différentes religions dans le but d’accéder à la paix mondiale. En 1979, il répondit à l’invitation du cardinal Koening d’Autriche pour livrer une série de conférences à l’Université de Vienne. Il se rendit également pour les mêmes raisons à Berlin (ex-RDA) en 1980, à Moscou (ex-URSS) en 1982, puis à Prague (ex-Tchécoslovaquie) en 1983.

Réception officielle du Sheikh à Rome
Sheikh Kuftârû travailla également avec l’Église Catholique Romaine au rapprochement du Christianisme et de l’Islam, en élaborant des projets d’action commune. Il visita ainsi en 1985 l’Italie et le Vatican, où il rencontra le Pape Jean-Paul II. Il donna deux conférences au cours de ce voyage : la première, à Milan, était intitulée « L’Islam et la Tolérance religieuse » ; la seconde, au Vatican, portait sur « Les Projets internationaux de l’Islam et du Christianisme ».

Le Pape Jean-Paul II reçoit Sheikh Ahmad Kuftârû au Vatican
Sheikh Ahmad Kuftârû s’investit par ailleurs dans la protection de l’environnement. En tant que Président de la Position religieuse au Forum Mondial de l’Environnement tenu à Moscou en 1990, il donna un discours sur « La Responsabilité de l’Homme envers lui-même ». Il se rendit également plusieurs fois au Japon pour assister à des réunions et à des colloques portant sur le même thème. En 1992, il fut invité par l’ONU à présider la session religieuse du Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro. Il s’adressa alors aux grands de ce monde dans un discours intitulé : « Les Religions abrahamiques : des racines communes et des responsabilités partagées ».

Retour à Dieu
Après une vie très active au cours de laquelle Sheikh Ahmad Kuftârû ne ménagea aucun effort pour revivifier les principes de l’Islam et les transmettre à l’humanité, le flambeau s’éteignit et retourna à son Seigneur le mercredi 1er septembre 2004 à l’âge de 89 ans. Il fut inhumé dans le Complexe Abû An-Nûr à Damas.

Que Dieu lui fasse miséricorde.

Sources : le site du Complexe du Sheikh Ahmad Kuftârû, Kuftaro.org et Livingislam.org

Cheikh Muhammad Amîn Kuftârû (1877 - 1938)

Le Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû, père du Grand Mufti de Syrie Sheikh Ahmad Kuftârû, naquit en 1877 à Damas. Son père, Sheikh Mûsâ Kuftârû, était d’origine kurde et avait migré de Karmah, ville frontalière du nord de la Syrie, à Damas. Il fréquenta alors la célèbre Mosquée damascène Abû An-Nûr, où il apprit la langue arabe et où il exhortait les fidèles musulmans. Son fils, Muhammad Amîn Kuftârû, lui succéda plus tard à cette tâche, lui qui avait appris le Coran et acquis les sciences religieuses dès son enfance. Il devint ainsi imam et enseignant à la Mosquée Abû An-Nûr.

C’était à cette époque qu’il rencontra son Sheikh, le guide de la confrérie soufie naqshabandie `Îsâ Al-Kurdî. Il apprit auprès de lui les méthodes pédagogiques adéquates pour éduquer et purifier les âmes des hommes. Il obtint ainsi une licence d’orientation religieuse, d’enseignement et d’éducation spirituelle. Sur les ordres de son Sheikh, il s’établit définitivement à la Mosquée Abû An-Nûr pour y enseigner. Ses leçons étaient suivies par un public toujours plus nombreux, et depuis lors, la Mosquée Abû An-Nûr devint l’une des plus grandes écoles d’éducation spirituelle de toute la Syrie.

Sa prédication à Dieu
Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû s’engagea dans une voie nouvelle en ce qui concerne les méthodes d’éducation et d’enseignement. Cette voie est notamment reflétée par le type d’ouvrages qu’il enseignait à ses étudiants. Il choisit ainsi de leur faire étudier en droit musulman le livre de l’Imâm Ash-Sha`rânî, Al-Mîzân (L’Équilibre). Dans ce précieux ouvrage, l’auteur se soucia de concilier dans un juste équilibre l’école des juristes, davantage attachée aux aspects rituels et intellectuels de la religion, et l’école des soufis, plus attachée aux aspects spirituels. Sheikh Kuftârû permit ainsi à ses élèves de ressentir les effluves du bonheur prodigué d’une part par l’invocation de Dieu et la purification de l’âme, et d’autre part par les connaissances religieuses indispensables.

En faisant étudier ce livre à ses élèves, le Sheikh entendait également éradiquer le sectarisme des uns et des autres qui était à son comble à l’époque. L’Imâm Ash-Sha`rânî s’était en effet attaché à l’argument probant lorsqu’il établissait un jugement légal, sans considération aucune pour l’avis de telle ou telle école de jurisprudence. Il avait l’esprit assez ouvert pour s’inspirer de tous les savants qui l’avaient précédés, sans distinction d’école de pensée, dans le domaine de la jurisprudence, des fondements ou des règlements dérivés du droit.

Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû sélectionna également pour ses étudiants l’ouvrage phare du Grand Cadi de Cordoue, le juriste malékite Ibn Rushd (Averroès), intitulé Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid. Dans ce livre, la méthodologie suivie par l’auteur fut de lister tous les arguments ayant été soutenus pour une question donnée puis d’établir une comparaison quant à la solidité de chacun d’entre eux. Et pour de nombreuses questions, l’Imâm Ibn Rushd opta pour une opinion ne correspondant pas à l’école juridique malékite à laquelle il appartenait pourtant.

Le choix de ces livres par Sheikh Kuftârû montre sa volonté affichée d’ouvrir les esprits et de transcender les différences d’écoles qui s’étaient transformées en sectarisme exacerbé. C’était de la part du Sheikh une vision réformatrice dans le cadre de la renaissance du mouvement islamique.

En sus de ces dispositions intellectuelles, le Sheikh n’hésitait pas à prendre lui-même les devants et à émettre des verdicts religieux audacieux, au grand dam de nombreuses personnes fermement attachées à ce qu’elles ont appris dans le cadre strict de leurs écoles de jurisprudence respectives. Il souleva ainsi un tollé lorsque, en 1924, il décréta que dans une même ville, pouvaient se tenir dans des mosquées différentes autant de prières du vendredi. L’opinion en vigueur jusque-là était en effet que la prière du vendredi devait se faire dans la grande mosquée de la ville, eu égard au fait que l’un des buts de cette prière est de rassembler de manière hebdomadaire tous les habitants d’une même ville. Mais avec l’accroissement de la population urbaine, Sheikh Kuftârû considéra qu’il serait impossible d’accueillir un public toujours plus nombreux en un même lieu. Il opta donc pour un autre avis, autorisant la multiplication, dans une même ville, des mosquées où se déroulent la prière du vendredi. Il s’attira alors les foudres d’une partie des disciples de l’école shâfi`ite et hanafite, majoritaires en Syrie, qui l’accusèrent d’innovation religieuse. Il répliqua alors par une épître traitant de cette question, dans laquelle il incorpora une phrase justement prononcée par l’Imâm Ash-Shâfi`î qui recommanda à un de ses disciples : « Ne fais pas tout ce que je dis. » Et Sheikh Kuftârû de commenter cette phrase : « Cette recommandation est celle de tous les savants juristes : Il n’est pas permis de faire tout ce que nous disons, à moins que l’on sache d’où nous tenons ce que nous avons dit. Cette question `{`de la prière du vendredi dans des mosquées différentes`}` fait partie des questions sujettes à discussion. Or, l’effort de déduction par un juriste de verdicts légaux donne une appréciation conjecturelle de la chose et il n’est pas permis de se conformer à toutes les conjectures des juristes. »

Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû sema ainsi dans la fertile Mosquée Abû An-Nûr les graines de la réforme, de l’ouverture et de la prise de conscience, après avoir travaillé les esprits et éduqué les âmes.

A sa mort en 1938, il laissa à la postérité un fils, Ahmad, qui bénéficia de cette sagesse et qui en reprit le flambeau.